
Journal de bord
CAP HORN
56° sud
67° ouest
Sur
Eliot, cotre de douze mètres.
22 / 01 / 2004 – 29 / 01 / 2004.
Ushuaia – Cap Horn – Ushuaia.
Propriétaires : Yves et Véronique.
Equipage : Gilbert , Evelyne et Christophe.
Jour
6. Mardi 27 janvier 2004. Puerto Toro.
Après le réveil tardif, tout le monde se
repose et vaque à ses lectures. Chacun dans un coin chaud
et tranquille du carré. Comme prévu, le vent a tourné,
c’est très calme. Nous sommes parfaitement abrités.
Certains vont jusqu ‘au bout de la plage pour voir de l’autre
côté de la petite presqu’île, la sœur
jumelle de la crique de Puerto Toro. Sauvage et couverte de boutons
d’or. L’eau est claire. Les galets ne sont pas vraiment
polis, plutôt rustiques, couleur locale.
Sieste. C’est une habitude depuis le début de la semaine.
Avec la nuit courte d’hier, c’est une obligation agréable.
Lecture à nouveau. Le rythme de la journée à Puerto
Toro est vraiment cool. Vers sept heures du soir, dans la belle fin
de journée, nous partons visiter le village, dix maisons et
essayer de trouver le coin des castors. C’est calme. Très
calme Thérèse. Il y a une école, un poste avancé de
l’armée et quelques maisons de planches recouvertes
de plaques de tôle bleues ou jaunes. C’est le Chili.
Le coin des castors est facile à trouver, c’est en haut,
après le cimetière, le long de la rivière. Un
coin vraiment tranquille. On comprend les castors. Mais ils ont fait
un vrai ravage dans le coin. Des trous, des tunnels et des barrages
partout. Surtout des arbres morts abattus et des branches ou de petits
troncs coupés net. Nous attendons une demi-heure pour les
voir sortir. Dans le silence le plus complet. A part le bruit des
cirés, les changements de position, les pieds qui bougent
et cassent quelques bouts de bois mort, un éternuement, quelques
mots échangés, le tronc sur lequel nous sommes qui
bouge et fait vibrer le sol sur des mètres de profondeur… Nous, « immobiles »,
au milieu de leur périmètre, les castors ne se montrent
pas. Etonnant non ? Ils sortent la nuit nous dit Yves quand nous
le retrouvons au bateau. Introduits sur Navarino et pas natifs, les
castors sont une véritable catastrophe écologique.
La hantise c’est qu’ils traversent pour aller sur la
Terre de Feu continuer leurs dégâts.
Discussion météo avec Jean Jacques, skipper de Constance
et négociation de l’horaire de départ demain
matin. Comme nous sommes à couple et nous à l’extérieur,
Constance ne peut pas partir avant nous, coincé entre Eliot
et le quai. Jean Jacques aimerait 6 heures. Yves et Véro plutôt
8 ou 9 neuf heures. Nous sommes dans le carré d’Eliot.
Après quelques arguments marée et un petit coup de
blanc argentin qui passe bien, 8 heures.
Bonne nuit.
LA MAGIE DES NOMS
Ushuaia, phare des Eclaireurs, canal Beagle, Puerto Williams,
Puerto Williams, isla Navarino, Cordillère des Andes,
paso Mac Kinley, paso Picton, paso Gore, Bahia Nassau, paso
Bravo, islas Walloston, caletta Martial, isla Herschel, isla
Snipe, isla Jerdan, isla Freycinet, isla Deceit, paso mar
del Sur, cabo de Hornos, caletta Maxwell, isla Hermite, canal
Franklin, Caletta Lennox, Paso Montelero, paso Richmond,
caletta Bamer, fondeadero Cabo de Hornos, caletta San Leon.
Constance, Runaway, Neos, Fernande, Carpe Diem, Valala, Amale,
Kelye, Catch the Wind, Pelagic II, armada de Chile, Wahaia,
Rumbo Sur, Maersk, NordeNorge, Mar del Sur. |
Jour
7. Mercredi 28 janvier 2004.
Départ à 8 heures et pico de Puerto Toro.
Fernande, le bateau de course au large, passe de l’autre côté du
Beagle en remontant le vent à la voile, de retour d’Antarctique.
Le vent est de face mais tombe rapidement. Nous remontons le canal
au moteur. La mer est de plus en plus calme, le vent de plus en plus
faible. Il devrait se relever est, du portant pour rentrer vers Puerto
Williams et Ushuaia. Le top. Vent portant à l’aller
et au retour. Yves et Véro sont les vraies stars de la météo
locale. Sans iridium à bord…
Effectivement, le vent sort un peu. Moins portant que prévu,
mais bon. Nous naviguons entre près bon plein et largue, selon
la configuration du relief à tribord. Il est très rare
de faire la route de la remontée, ouest, à la voile,
car les vents dominants sont d’ouest justement. Entre Puerto
Toro et Puerto Williams, il y a le paso Mac Kinley. L’endroit
le plus étroit de tout le Beagle. En remontant ouest nord
ouest, avec des vents dominants et forts d’ouest et un gros
courant dans le paso, Yves et Véro n’ont jamais réussi à remonter à la
voile ce petit détroit. Aujourd’hui le vent de 15/20
nœuds de nord, parfois nord est nous permet de bien avancer,
sans moteur. Nous profitons de l’aubaine, car ici, le temps
change vite. Aux abords du paso Mac Kinley, le vent forcit, le courant
augmente, le cap refuse un peu (nous pousse à faire un cap
moins favorable). Nous réduisons la toile, tirons quelques
bords et ça passe. Eliot a remonté le paso Mac Kinley, à la
voile. Tout le monde à bord est content. Mais pas vraiment
le temps de s’endormir. Le vent forcit, les risées arrivent
serrées. Le bateau lofe et gîte de plus en plus. Le
vent monte à 25, 30, 35, 40 nœuds dans les rafales. Il
faut réduire la toile. D’abord la grande voile. Nous
passons du premier au troisième ri. Puis le yankee. Il faut
s’y mettre à deux pour l’enrouler bien qu’il
faseille. L’écoute bat dans tous les sens. Ca souffle
pas mal avec beaucoup de bruit dans les oreilles. Véro tient
le bateau près du vent, voiles déventées, mais
Eliot gîte quand même. Yves prend une énorme gifle
d’écoute derrière la tête. Un truc à t’assommer.
Les deux verres de ses lunettes sont éjectés, la monture
reste sur son visage. Il a pris un bon coup sur l’oreille.
Véro lui dit qu’il saigne. Ca fait très mal. « Elle
est arrachée ? » demande Yves. « Non ».
On ne dirait pas. Mais on verra plus tard. J’attrape l’écoute,
Yves finit d’enrouler le Yankee. Voilà. Nous ne bordons
pas trop, le bateau repart plus tranquillement dans un bon vent.
Le paso Mac Kinley est remonté. Le petit phare, côté chilien,
est à un demi-mile derrière nous. Nous pouvons faire
un cap plus facile, toujours près du vent, dans le Beagle
qui s’élargit vers Puerto Williams. Ici tout se gagne.
Rien n’est donné. L’oreille n’est pas arrachée
et Yves ne saigne pas. L’amour… Encore un quart de mile
et le vent faiblit. Il faiblit tellement que nous renvoyons le yankee
enroulé si difficilement il y a quelques minutes. Il n’y
a plus que 15 nœuds de vent. Juste de quoi nous faire avancer
vers notre mouillage, toujours avec les ris dans la grande voile.
Le phare du paso est loin derrière, nous sommes presque à Puerto
Williams. Reste moins d’un mile. Plus de vent. Pétole
totale. Le grain noir est passé. Ciel bleu. Encalminés
près de notre but. Pas l’ombre d’une risée.
Il faut se résoudre à mettre le moteur. A moins d’un
demi-mile et 10 ou 15 minutes après nos 40 nœuds de vent
de tout à l’heure ! Voilà. Nous regardons le
paso et Constance loin derrière bien que partie à la
même heure que nous. Eliot a bien passé le Mac Kinley à la
voile. Pour Puerto Toro – Puerto Williams, 100% à la
voile, il faudra attendre une autre fois. C’est comme ça,
avec les mythes vrais.
L’entrée à Puerto Williams, par calme plat et
mer d’huile est toujours un bon moment. Comme à l’aller.
Le coin est tranquille, le ponton excellent et accueillant avec le
club nautique Micalvi et son ponton-bar-douche coulé par deux
mètres de fond. On peut s’y amarrer à terre,
pour les petits, au milieu du chenal pour les gros. Deux à trois
bateaux en longueur, sur trois ou cinq rangs à couple. On
arrive à empiler plus d’une vingtaine de voiliers autour
de l’épave-club. Presque tous des copains. En particulier
Fernande, 22 mètres, superbe ketch de course, qui arrive d’Antarctique.
Famille franco-argentine avec deux grandes filles, ainsi que des
copains italiens qui ont fait un guide sur le coin. Ils parlent toutes
les langues latines à bord. Le canal de Drake, entre le cap
Horn et la péninsule Antarctique, était dur. Le boss
est resté attaché à la barre 18 heures. Tout
le monde a un truc à raconter. Des copains partis d’Antarctique
doivent arriver aujourd’hui ou demain avec de nouvelles histoires.
Les chandeliers de Fernande ont été tordus par la mer.
Pélagic 2, 25 mètres, énorme fifty taillé spécialement
pour le pôle avait les vitres de sa timonerie dans l’eau.
Le prochain cap Horn, nous pousserons jusqu’en Antarctique.
Quand les Polonais arrivent, mauvaise réputation dépassée
par leurs actes, nous déplaçons Eliot. (suite à la
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