Journal de bord
Nouvelle Zélande
COTE OUEST

Lundi 22 mars 2004 : Queenstown, jet-boat sur la Shotover river.
GMTFr : +12H 43° sud 170° est météo : pluie abondante puis sec
Mike avait raison, tout se passe sur la côte ouest de l’île du sud. La route continue à être très belle entre mer de Tasmanie grise ou marron, lacs de montagne, gorges encaissées, cascades, pluie, vent, éclaircies. Une vraie NZ de tour du monde. Compte tenu de la météo et surtout de la lumière qui éclaire ou pas, il faudrait revenir de nombreuses fois aux mêmes endroits pour tout voir. Nous quittons le bord de mer, traversons la forêt, suivons la scenic road et tombons du haut du plateau sur Queenstown au bord du lac Wakatupi. Queenstown, la Mecque des sports extrêmes : jet-boat, saut à l’élastique, c’est ici qu’il a été inventé, et autres divertissements kiwis extrêmes qui ont fait une bonne partie de la réputation du pays et de ses habitants.
Il est presque l’heure du dernier jet-boat sur la jetée en bois de Queenstown. Pas totalement convaincus par la Nouvelle Zélande, totalement convaincus de la grosse tête des Néo, mais pas de mauvais esprit pour autant. Nous serons sur le dernier jet-boat du jour tous les six, Garance comprise. Juste le temps de trouver un hôtel car nous voulons bien dormir, profiter d’un peu de confort en ville, d’animation et de « convenience » type internet et réseau téléphonique. Ce sera le Park Royal, chambres avec vue, rayon de soleil sur lac et montagnes. Et retour au jet-boat. Petite fusée pointue jaune et noire de cinq mètres de long avec gros moteur et turbine, pas d’hélice pour aller sur la rivière dans des fonds de 5 centimètres. Il ressemble plus à une voiture de rallye qu’à un bateau, sauf le bruit caractéristique des off-shores. Le jet-boat peut faire des tours sur lui-même. Assis au raz de l’eau, il paraît que les sensations sont garanties, surtout avec les premières vagues qui nous arrivent dans la figure. Nous démarrons, petit 360° de chauffe, le pilote prévient le touriste en faisant des petits ronds avec l’index pointé en l’air. Nous sommes assis sur la banquette face à une barre, le pilote sur un siège monté sur ressorts, il accélère avec le pied droit. Nous frôlons des piles de ponts, des arbres qui poussent dans l’eau, des rochers. Les possibilités du bateau sont étonnantes, avec une coque totalement plate, la sortie de la turbine certainement placée loin de l’arrière et pivotant de 90°, peut-être plus. Une fois en train de planer, il vole dans 5 centimètres d’eau, glisse en travers sur sa coque plate, permet des prises de carres étonnantes, pivote à 180° (pas à 360) sur lui-même en coupant les gaz, le tout à 3500 tours, 25, 30 nœuds, pas plus. Rien qui puisse provoquer des décharges d’adrénaline, ni chez les grands ni chez les petits, mais une bonne balade sur un engin spécial. Félix ne manque pas une miette du spectacle. Le plus intéressant de l’affaire, ce n’est pas l’inoubliable sensation de vitesse et de danger aux limites de l’extrême, mais la belle balade soleil couchant sur la rivière Shotover avec point de vue particulier sur la campagne zélandaise. Pas du tout ce que nous avions acheté, mais un bon souvenir quand même, un peu la synthèse de notre Nouvelle Zélande.
Tout le monde dort bien dans de vrais lits.
La phrase du jour  : « Ca va les filles ? » Félix (aux filles dans le jet-boat).

Mardi 23 mars 2004 : bungy-man.
GMTFr : +12H 46° sud 167° est météo : sec pluies abondantes sec
Nous n’allons pas partir de Queenstown sans passer par le saut à l’élastique non ? C’est ici qu’il a été inventé, ou plutôt adapté, de ces sauts des aborigènes qui construisent un échafaudage de bambous et se jettent d’une vingtaine de mètres dans le vide, une liane de la juste longueur attachée à chaque cheville. Ici ils appellent ça Bungy. On a le choix entre 42, 102 mètres et 143 mètres. Le plus ancien, l’estampillé original inventé ici-même, le pur jus avec pont désaffecté et tout, c’est le 42 mètres. Alors, inutile de se jeter de plus haut, autant en laisser pour la prochaine fois. Rendez-vous est pris depuis Queenstown pour le bungy saut de 42 mètres du site historique, histoire d’être sûr d’y aller une fois sur place, sans trop réfléchir. A midi pile.
La pression monte en arrivant près des gorges. Mais comme nous sommes une fois de plus à la bourre, pas trop le temps de gamberger. Garer le camper-van, foncer dire que nous sommes en retard, couvrir les enfants… L’architecture du lieu, à la Mario Botta, est très réussie, la météo moins, vent et couvert. Même un peu dans le cirage volontaire, on a le temps de se rendre compte de ce qui se passe en arrivant sur la plate-forme qui sousplombe le pont d’où les élastiqués se jettent dans le vide. Grand vide, plongeon dans le noir, chute libre de 4 ou 5 secondes, élastique, tête dans l’eau ou pas selon l’option choisie, remontée aux deux tiers de la descente, redescente, re-élastique, re-remontée… Chaud. Les candidats de la famille se font rares. Julia a dit qu’elle s’accrocherait plutôt au camping-car, Félix le fera quand il aura 12 ans et que c’est quand il sera grand parce que 12 ans c’est dans très longtemps, puis rectifie pour le faire quand il aura vingt quarante ans, c’est plus sûr, Garance est hors de saut, Choupie sera fière de son mari mais le laisse aller et Maud préfère attendre son prochain tdm, en priant pour qu’il ne repasse par pas Queenstown. Reste Chris.
Vérification du matériel photo et vidéo, instructions, pas sauter sans preuve quand même, bises aux enfants, à sa femme et on y va. Numéro 79. Cet anonymat soudain et cette prise en charge ont quelque chose de rassurant. Jusqu’au pont. 43,8 mètres (42 + 1,8, la taille approximative de Chris avec chaussure) c’est beaucoup, surtout à la verticale. Surtout quand il n’y a aucune raison valable de se jeter ainsi dans la vide entre deux murailles de pierres reliées par un pont tellement stupide qu’il n’a pu trouver d’autre usage. Mais on s’approche quand même de la plate-forme centrale, la seule raison valable étant qu’on est là pour ça…
On donne son poids écrit sur la main au marqueur après la pesée, on dit si on veut mettre la tête dans l’eau. On veut, tant qu’à faire, le plus dur c’est le vide, pas l’eau. On met le harnais de sécurité. On s’assoit sur les deux planches là et on plie les genoux. Le gars entoure les chevilles avec une serviette en éponge bleue, plusieurs tours, puis fait des 8 avec une sangle bleu clair autour des chevilles serviettées. Il tire dessus, ça a l’air solide et puis, il y a le harnais et puis, on n’est pas le premier qu’ils font sauter et puis, s’il y avait des accidents ils auraient dû arrêter depuis longtemps… Depuis les deux planches on peut regarder en bas, oh p… mauvaise idée, faut pas regarder en bas ! La sangle bleue est attachée au gros élastique multifibre blanc, le harnais aussi. On se met debout. On avance, mais pas facile avec les deux pieds attachés comme ça, faut sautiller. On se tient pas à la rambarde là derrière, on se tient pas à la poignée là non plus, on se tient à rien c’est mieux, on avance sur la petite passerelle qui dépasse du pont de quelques centimètres. On entend le gars qui dit de regarder la caméra pour dire bonjour et faire la photo. On aperçoit la famille sur le mirador en dessous. On entend le gars qui dit qu’il faut pas regarder en bas mais le pont là-bas en face, oh p… pas en bas nom de dieu que c’est haut ! On entend les gens sur la plate-forme tout public qui encouragent en criant. On entend le gars qui dit three, two, one. On prend une grosse respiration. On en prend deuxième, bien fort. Une troisième. On se dit que si on réfléchit on est foutu, qu’il ne faut pas réfléchir et on se jète la tête la première pour le plus grand saut de l’ange de sa vie. On crie. C’est le noir. On ralentit. On ralentit non ? On remonte. On a l’impression qu’on n’a pas touché l’eau. On redescend. On a l’impression qu’on redescend mais on sait pas très bien. Petite cabriole dans le mou en haut, entre remontée et redescente, pour bien montrer qu’on est vivant et qu’on est un peu mieux étanche. On arrête d’élastiquer la tête en bas à quelques mètres de l’eau. Un zodiac rouge arrive. Un gars attrape les bras en disant un truc qu’on comprend pas. On est de nouveau dans le bon sens. Dos, cou, muscles douloureux. L’adrénaline ou le choc ? On n’a pas touché l’eau la tête en bas, mais on va pas aller réclamer de peur de gagner une partie gratuite. On remonte fièrement le petit sentier jusqu’au mirador la tête pas complètement à l’endroit encore. A 42 mètres d’altitude au dessus du niveau de la rivière Kawarau, berceau du saut à l’élastique, les enfants se jettent dans vos bras en criant papa ! C’est le bonheur.
Le reste de la journée est forcément un peu en retrait. Jonction camper-van entre lacs, pluies et vents, moutons, vaches et daims, jusqu’à Te Anau, pour préparer la croisière de demain dans les Sounds (fjords). Le Doubtful sound, moins spectaculaire mais moins envahi nous propose des horaires peu favorables, ce sera le must local, inconnu du monde entier sauf de ceux qui viennent ici, le Milford sound. Pluie et si tout se passe mal neige, prévus demain dans la région. Nous passons la nuit dans le camping le plus sympa depuis le début du camper-van, certainement pas le plus sauvage. En attendant demain.
La phrase du jour  (après le Bungy saut) : « Je suis contente que tu l’aies fait. » Choupie. « Moi je le ferai quand j’aurai douze ans, c’est dans très longtemps. » Félix. « Papa ! » Julia très émue.

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