Dimanche 21 mars 2004 : la côte ouest suite.
GMTFr : +12H 43° sud 170° est météo : pluie abondante puis sec
25 jours de pluie en janvier, qui correspond à notre mois de juillet de l’hémisphère nord, ce sont les statistiques météo 2004 de la côte ouest. A pied d’œuvre pour commencer l’attaque du Franz Joseph glacier, il suffirait que la pluie passe de diluvienne à forte pour que nous saisissions l’ouverture. La météo de la semaine est conforme : dimanche vous le savez déjà, lundi horrible, mardi pourrie, mercredi dégeulasse, jeudi infâme, vendredi accalmies espérées. Mais seuls les quatre jours suivants sont reliable, tout n’est pas perdu pour vendredi, déluge encore possible. Nous n’allons peut-être pas rester ici toute la semaine pour voir un glacier moins spectaculaire que ceux du Chili et d’Argentine et moins technique que ceux des Alpes maison. Les scenic flights (vols scéniques en avion) et les heli-hikes (montées en hélicoptères avec dépose et marche sur le glacier) sont tous annulés jusqu’à meilleure météo. Reste la demi-journée marche au bord du glacier ou la journée entière demain, sous la pluie toutes les deux. Il pleut très fort, le petit déjeuner au Flunch local avec gâteaux roses bonbon éclairage néon déprimerait n’importe qui un jour de beau temps. Aparté gastronomie néo : ici que ce soit pour les boissons ou pour la nourriture, on ne choisit pas la saveur mais la couleur, il suffit d’être prévenu…Nous allons faire un tour jusqu’au bout de la route qui mène au bas du Franz Joseph. Profitant d’une accalmie, petit aller retour familial à travers la forêt jusqu’à la rivière avec vue sur le glacier. Il reste une heure de marche pour aller sous le glacier, galets gris en bas, eau verte de sa rivière, glacier bleu vert sali par les éboulements, brouillard en haut. C’est là que nous prenons la photo du dimanche, ça change de Bora Bora il y a quinze jours. Encouragés par ce sec relatif, nous allons tenter notre chance au Fox, le suivant et dernier glacier.
L’ambiance y est plus relaxe et moins commerciale, la météo identique, avec quelques minutes de décalage horaire. Le heli-hike de 15h00 n’est pas encore annulé, nous inscrivons nos nom au cas où le temps se lève. La route va beaucoup plus près du Fox que du Franz Joseph, les guides prétendent qu’il faut 5mn pour se rendre juste au dessous. Pendant la cuisson des pâtes, Chris part en reconnaissance. 5 mn, c’est pour Grebresellassié, pour les humains il faut 15, ou plutôt 20 mn, en marchant très vite. Spectaculaire, même si la comparaison avec d’autres sites plus beaux ou plus sauvages imposerait le respect au Kiwi s’il était de moins mauvaise foi. L’intérêt du Fox, c’est son énorme bouche noire dont sort une grosse rivière alimentée par la fonte du glacier qui bouge de 5 mètres par jour… et par la pluie qui se remet à tomber. Vite, retour pour Chris, pour les pâtes plus que pour l’humidité, car avec les trombes qui tombent, inutile d’espérer rentrer avec quelque chose de sec sur soi. Les pâtes sont italiennes et bonnes, le vol en hélicoptère Néo-zélandais est annulé. La météo des cinq jours à venir est la même qu’au Franz Joseph, les activités aussi. Or, marcher le long d’un glacier sous la pluie d’ici, encadré par une armée de Japonais, d’Allemands et de guides qui snobent le touriste en se prenant pour des guides alpins (« alpine’s guides », c’est ça que ça veut dire non ?), alors qu’on n’a pas marché sur ceux d’Europe sous notre soleil à nous, avec de vrais chamoniards souriants, cherchez l’erreur. L’hélicoptère pour aller marcher sur et dans la glacier, ce sera pour une autre fois, le scenic flight peut décoller d’un peu plus loin. Roule ma poule.
Et nous faisons bien. La NZ propose un choix très varié dans un très petit périmètre. C’est là sensé être son charme. Une heure de camping-car même pas, et nous voilà au bord de la mer de Tasmanie, grosse houle d’ouest, rochers spectaculaires, sable gris, ciel bleu. Nous nous arrêtons sur la plage de Bruce bay, provision de sable, de photos, de cailloux, d’air pur. Du bout du monde, nous ramènerons un cailloux blanc laiteux aux formes arrondies qui ressemble à une statue de Arp miniature. Une plage plus loin, une plage encore plus loin, toujours vers le sud, Monro beach. Belle lumière du soir sur immense plage grise, nouvelle petite boite de pellicule photo remplie de sable, photos des mini-dunes, des galets gris, du sable. Le camping, propre et nature, est sur une sorte de langue de terre entre mer et lagune, nous avons encore le temps de faire une petite marche dans la forêt humide au bord des étangs.
Montagne, mer, glaciers verts, forêts sombres, plages grises, pluie, soleil, la Nouvelle Zélande nous a offert son plus beau spectacle aujourd’hui. Au camping, moustiques calmes mais redoutables mouches des sables, grande salle de vie commune tranquille envahie tardivement par une armée de jeunes Kiwis sans gêne, la télé s’allume sur un jeu télévisé synthèse du juste prix et du loft, parfait pour ce qu’ils ont. Repli général vers le camping-car. Pour une étude ethnographique du « routard » le lieu est parfait. De haut en bas. Des cheveux qui ont l’air de ne pas avoir vu de peigne depuis longtemps, souvent agrémentés d’un bonnet, car ici on ne l’enlève pas, même dans une salle surchauffée, look oblige ; nombre impressionnant de piercings dans le nez, les sourcils, la lèvre, la langue, les oreilles et certainement ailleurs mais vu la météo, pas moyen de savoir ; pour les hommes une barbe de quelques jours ; des fringues élimées, sans forme ni couleur mais coupées à la mode et surtout superposées en un nombre finement calculé de couches (pour le froid ?) ; des chaussettes certainement tricotées par une grand-mère montagnarde sous sandales plastiques, car pour camper, il faut absolument avoir des sandales pour les douches ! Comment font-ils pour avoir tous le même look ? Vous pensiez que c’était une conséquence naturelle du manque de moyens ou de la recherche du confort ? Pas du tout, c’est très étudié, au cm près, c’est la mode style routard et les néo sont au top en la matière.
La phrase du jour : « West coast of south island, that’s what New Zealand is all about ! » Mike.
SOUVENIR DE NZ
Costaud dans son short bleu qui laisse apparaître ses jambes sèches recouvertes de chaussettes en laine qui dépassent des godillots, le cheveux rare et clair sur une tête ronde et lourde agrémentée d’une couperose mondaine de bon ton, le regard presque franc qui laisse percer sous une bonhomie de façade une once de condescendance insulaire monarchique consanguine, celle de celui qui habite une île qui a gagné la coupe du monde de rugby et sait ce qu’aucun continental ne saura jamais, un accent Londonien mais pas des meilleurs quartiers qui lui fait avaler la moitié des mots tout en l’autorisant à détester répéter et à ne pas comprendre si l’accent tonique n’est pas proprement positionné, une politesse bien ordonnée qu’il inflige au moindre contrevenant, qui commence toujours par lui-même et qu’il et ne saurait partager, mais qui ne saurait tenir lieu de courtoisie, il n’aime pas les Français, ce n’est pas un Anglais, c’est un Néo-zélandais.
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