JAPON 3

Tokyo-Hiroshima par la route

Le pays du bonheur profond

 

J224 vendredi 19 avril 2013 Départ de Tokyo - Ito 20°C gris

IMG 8338 ITO NOTRE RYOKAN ONSENNous partons en voisin, vers le musée Ghibli et ses héros mondiaux, Totoro, Mononoké, Chihiro, les poétiques personnages d’Hayao Miyazaki, leur génial créateur. Dès que Chris aura récupéré la voiture à deux roues de taxi. Mais les choses se compliquent pour la voiture et ça va durer un moment. L’entrée est programmée, à 14H00, Choupie et les enfants font donc l’aller en banlieue, à Mitaka, vers la petite maison musée, dont le nom se prononce ici Gwibelui. Tout le monde aime les histoires, d’Hayao Miyazaki, porte parole d’une l'écologie douce, sa maison-musée à taille humaine, comme ses personnages, ses animes qu’on comprend mieux depuis le Japon suave. Chris continue son parcours et retrouve la famille qui a eu le temps de revenir jusqu’à l’appartement au moment où il arrivait avec la voiture pour récupérer les bagages. Rouler au Japon, nous ne pensions pas cela vraiment possible avant d’arriver. 2H40, ce n’est pas rapide pour 160 kilomètres jusqu’à Ito, sur la péninsule au sud de Tokyo, mais le GPS ne s’est pas trompé. Le choix de Choupie, un parfait ryokan, ancien bâtiment en bois le long d’un canal, son architecture intérieure aux niveaux savamment déstructurés, son onsen de granit vert, offrent le meilleur réconfort aux voyageurs sans bagages après des grands bols de ramens au comptoir du coin.

En hausse : l’immensité organique tokyoïte

En baisse : le goût pour la complexité

La phrase du jour : « Hoooo ! Sorry ! Sorry ! Not possible, sorry ! Driving licence 1968, need transalation. Sorry ! sorry! Very sorry! » le loueur de voiture à Chris qui en prend pour 3 heures de paperasses

 

J225 samedi 20 avril 2013 Ito et environs 20°C pluie

IMG 8376 ITOPetite journée sous la pluie. Pour nous réchauffer de la nuit fraiche et lancer les organismes, onsen. Les filles de leur côté, les garçons du leur. Autant profiter du top mondial quand on y est, seuls, dans un ryokan classé monument historique japonais. Petit tour déjeuner en ville, sous la verrière anti-pluie, bienvenue aujourd’hui comme souvent il semble, vue la consommation d’eau en toute circonstance au Japon. Félix décline, nous sommes quatre à suivre mollement la côté découpée à la bretonne, la lave remplaçant le granit, de petits ports de pêche en bateaux exotiques. La pierre noire tombe dans la mer d’un bronze vert sombre au ciel plombé. Rien qui pousse à l’euphorie. Cependant, au long des chemins de douaniers, on retrouve les vues des estampes, avec leurs branches de pin tordues, au premier plan d’une écume traitresse, sous un ciel mélancolique à la Baudelaire. Cela nous mène jusqu’au pont suspendu, fameux surtout pour les Japonais qui l’ont vu dans tous les mélodrames cinématographiques engagés. Garance jette sa dent conservée précieusement par-dessus le pont, dans l’océan. Une dent dans le Lac Baïkal, une comme relique cachée dans un temple secret au Bhoutan, une dans le port d’Hobart, Tasmanie et une dans le Pacifique jaune, depuis le pont des soupirs japonais. Ouverte sur le large, la côte doit subir de fortes tempêtes, mais garde la mesure locale, loin de l’immensité sauvage du Grand Océan Sud australien. La géographie façonne l’imaginaire des hommes, donc leur comportement. Après un improbable arrêt chaussures pour Garance, qui étonne tout le monde, sauf Choupie imperturbable et confiante, nouvel onsen granitique miraculeux.

En hausse : la vie au raz du sol dans des pièces et des matériaux fait pour vivre bien

En baisse : le béton occidental

La phrase du jour : « Ito, c’est comme ça que ma mère m’appelait… » Chris

 

J226 dimanche 21 avril 2013 Ito-Toyota city 23°C bleu

IMG 8403 CHAMPS DE THE SENCHANous quittons à regret, après un dernier osen magique, notre ryokan favori d’Ito. Encore un endroit où nous aurions pu rester beaucoup plus longtemps, des jours sans même sortir de notre refuge. Le Japon presque profond, vu de notre moyen de reconnaissance favori, la voiture, qui nous amène jusque dans le centre de Minohara, juste pour manger des sushis excellents dans un restaurant désert et acheter du thé vert Sencha, paraît-il le meilleur du monde dans la région. Presque rien d’exceptionnel, jusqu’à l’idée de sortir de l’autoroute au milieu des champs de thé. Douce lumière de 17H00 sur le vert en boules du thé. Les grands thés poussent comme les grands crus, sur des coteaux ordonnés, objets de tous les soins d’une culture ancestrale qui a patiemment filtré au fil du temps les plus fins savoirs. Pas une feuille ne dépasse. Pas une rangée qui ne suive les lignes de pente. Les quelques femmes éparses un dimanche dans les théiers surveillent sans trouble. Petit moment de temps à l’arrêt, dans la douceur verte que rien ne saurait déranger.

Nous pouvons rouler jusqu’à Toyota City. Même les embouteillages d’autoroute ne peuvent entamer notre sérénité. Félix réclame un dîner seul pour parler. Il attend et craint la rentrée au milieu des copains. Les brochettes, la jeunesse et la fatigue ont raison de ses doutes.

En hausse : la maturité

En baisse : la France, lancée dans une de ses insatiables chasses aux sorcières désignées, l’arrogance américaine…

La phrase du jour : « C’est bien tenu les plantations de thé… » Garance. « Le Japon, c’est partout bien tenu… » Félix

J227 lundi 22 avril 2013 Toyota city-Isé 24°C bleu

IMG 8425 TOYOTA CITY DANS UNE EQLes images se succèdent à un rythme accéléré. Ecole rapide suivie d’un terrible petit déjeuner nippo-américain, du niveau de l’hôtel Formule2 pour cadre Toyota en formation, où nous avons dormi. Traversée de Toyota city (c’est son vrai nom, depuis que la ville a été rebaptisée), vers les bâtiments stricts et fonctionnels de la direction qui relaient le message d’ingénieurs sérieux de la marque. Visite accompagnée sur rendez-vous (bravo Choupie) de Toyota. Son gardien en gants blancs, salue devant les plantes, impeccable, les visiteurs, à l’entrée qui sent les années 70 et la modernité au goût du jour non ostentatoire. Son show room toutes directions : voitures de course, sécurité de demain, gamme triée de la marque, EQ mini-citadine 100% électrique qui fait rêver Garance mais n’est pas encore commercialisée, chaises roulantes futuristes, simulateurs de conduite équipé des dernières nouveautés d’assistance à la conduite… « J’aurais bien aimé voir Jean-Luc conduire le simulateur pour voir jusqu’où il serait allé, parce que lui, il fait des courses, et il est super-fort » Garance. Sa visite : aller et retour en bus à travers les grandes usines, vers les chaînes de montage, robots, hommes, concepts de juste à temps et zéro défaut, tous convaincus et tendus vers le même but de qualité et productivité ancré dans l’âme japonaise. C’est déjà énorme comme messages, bien reçus par les enfants, quand nous sortons vers 13H00 de Toyota city.

La journée continue sur le même rythme. Serveur d’essence autoroutière qui salue et crie à notre arrivée, profite du plein automatique pour laver toutes les vitres de la voiture sans espoir de pourboire, salue à nouveau bruyamment au garde-à-vous notre départ. Traversée d’un bout du Japon : mer lointaine même lorsqu’elle est proche, plantations de thé, port étendu de Nagoya qui a containerisé la totalité de l’embouchure du fleuve, élevages de cochons, rizières. Entre mer ouverte et montagnes abruptes laissées en forêts vierges, les japonais exploitent le moindre morceau de terre plate dans un damier de villes, cultures et routes. Combien d’images enregistrées à nouveau ? Arrivée à Isé, dans un ryokan, maison familiale très traditionnelle, bois qui craque, chambres froides et bains publics. Dans l’eau chaude, les filles se parlent, les garçons aussi. Quel poids peut avoir une journée comme celle-là, presque normale autour du monde, chez des enfants en pleine construction de leur imaginaire ?

En hausse : le respect

En baisse : la cuisine japonaise mal choisie

La phrase du jour : « Tu sais, Tadao Ando… l’architecte qui a fait le musée où il y avait l’expo super à Tokyo… le bâtiment est magnifique, mais de là à vivre dans une maison comme ça, c’est autre chose… » Julia

 

J228 mardi 23 avril 2013 Ise-Kobe 20°C gris

IMG 8452 KOYA SANTemple Shinto d’Ise. Tranquillité naturelle assistée par les hommes. Cèdre gris du Japon comme unique matériau, doux et chaud pour reconstruire tous les 20 ans les temples de la nature. Vues restreintes et savoirs qui donnent envie de devenir Empereur. Dans les escaliers, on règle son pas sur l’égal qui précède, le Japon est une île. On voit plus loin quand on a le temps pour soi. Les Shintos ont fait le bon choix de l’harmonie avec la nature qu’ils ont décidée clémente.

La viennoiserie française, d’un français, ravit la troupe dès la sortie d’Ise. Puis, c’est la très belle route à travers le Japon profond des montages vers Koya-San. Avec l’altitude, la saison, qui a pris quelques semaines de retard, nous offre nos derniers sakuras. Sur le plateau, nous sommes maintenant chez les bouddhistes. Même cyprès ou cèdres gris du japon, relevé ici d’orange vif, pour le chapelet de temples paisibles des hauteurs. Une merveille, le Kongobu Ji. Grande longère basse qui propose ses magnifiques paravents dorés de hérons, bambous, montagnes, pins, branches de cerisiers, une nature que nous connaissons maintenant, avec, posé sur une branche, un martin pêcheur bleu, et, quelque part, des panneaux de feuilles d’or vieillies qui laissent apparaître leurs quadrillages magiques. Caché, un grand jardin de pierres mystérieux et muet. Un chez d’œuvre, à peine en dessous de ceux de Kyoto inégalables. La route est longue vers Kobe, à travers les feux d’Osaka, mais elle ne pèse pas.

En hausse : le petit « hun » de politesse japonaise très sexy des jolies hôtesses fines de l’hôtel

En baisse : les vrais repas

La phrase du jour : « Tu as vu, l’eau, c’est pour se purifier… c’est plus facile que chez nous de se purifier » Garance

J229 mercredi 24 avril 2013 Kobe 19°C pluie

IMG 8489 KOBEIl pleut souvent et beaucoup au Japon océanique. Les enfants travaillent dans l’hôtel avec vue, les parents finissent par partir voir le Musée Hyogo (Musée Préfectoral de Kobe). Tadao Ando a construit là un immense escalier central en béton gris rigide, des couloirs et d’autres escaliers cérémonieux très durs, où résonnent les échos d’outre tombe d’un Toutankhamon moderne. Difficile. Peut-être pour rappeler les 6.000 morts du tremblement de terre de Kobe du 17_01_1995, ou trop fortement et fraichement marqué par ce drame survenu dans sa ville ? Les Japonais sont plus experts dans l’humain vivant et, nous sommes peu sensibles au minéral sidéral. Il restera à remplir les salles avec des œuvres d’art, une par employé adoucirait déjà la construction. Dans la meilleure salle, un rappel compulsif des grands sculpteurs occidentaux (Moore, Miro, Arp, Zadkine…) : une très belle sirène noire d’Archipenko, une présentation des œuvres de Tadao Ando (photos, grandes maquettes, vidéos...). Dehors, encore de la pluie, encore un escalier, le « fameux », très photogénique, en forme de nautile, proche du granit gris brutal des façades.

La grande affaire de la journée, c’est le dîner au bœuf de Kobe. Nous en avons tous entendu parler, personne n’en n’a encore mangé du vrai. Et comme avait dit Garance à propos du canard laqué pékinois : « les bolognaises, elles seront toujours meilleures à Bologne ». Et c’est vrai que c’est très très bon…

En hausse : la lassitude (le matin avant l’école)

En baisse : la lassitude (le soir après le bœuf de Kobe)

La phrase du jour : « Moi, mon mari, il faudra qu’il ait une petite pointe d’excellence quelque part, autrement, je ne le supporterai pas… » Julia.

Bœuf de Kobe à Kobe

Qui a mangé du vrai bœuf de Kobe, à Kobe même ? Non, pas nous. Nous choisissons soigneusement le restaurant happening du soir pour une soirée dispendieuse et agréable. Il paraît que le N°1 de la ville, donc du monde, est le Wakkoqu. Nous nous asseyons au comptoir devant la grande plaque chauffante. Il suffit de choisir le morceau, filet ou entrecôte, et la taille, 170g, 220g, 250g, riz plutôt que pain, un verre de vin et tout le menu suit. Li, notre master chef dédié qui a travaillé à Paris, a, dans notre langue, un accent étonnant et des sons difficiles à suivre, qui rajoutent au charme de la carte et de l’expérience. Sur la plancha d’inox tiède, de fines tranches d’ail sont mises à sécher. Mise en bouche par de fruits de mer en gelée fraiche. « Avant, je croyais que je n’aimais pas la gelée » Julia puis un petit mesclun à l’huile d’olive locale légère, fines tranches de radis et tomates cerises. Enfin arrivent les morceaux. Deux gros pavés de filet tellement persillé qu’ils ont une couleur rose pâle. On les dirait sortis du congélateur. Deux entrecôtes, de même aspect, avec une couche de gras blanc pur que le chef découpe en larges bandes à fondre. La dextérité rapide du chef empêche de suivre le déroulement des opérations rassurantes. Voilà nos filets préparés, un bout réformé rejoint le gras fondant découpé. On cherche le plaisir parfait. Les entrecôtes sont mises en six ou sept morceaux, deux posés au milieu de la plaque, sur la tranche comme des voiles, grésillant. Une montagne de légumes bien rangés attend sur le coin. Li accélère encore, couteau dans un sens, dominos de viande retournés sur toutes leurs faces, distribution de sel, poivre pilé, moutarde japonaise dans la sauce soja (Choupie adore), émincé d’ail, palettes de maçon à toute vitesse sur la plaque pour dorer toutes les faces et faire fondre le gras interstitiel, assaisonnement sur la plaque, distribution des premiers morceaux de filet et entrecôte dans nos grandes assiettes. Un peu de sel, on attrape avec ses baguettes, on approche de la bouche, on tient une partie du morceau avec les dents, on tire doucement sur les baguettes, le morceau se sépare, la partie dans la bouche a déjà fondu. On n’a même pas eu le temps de s’en rendre vraiment bien compte, mais que c’était bon. La première bouchée de bœuf de Kobe. Inoubliable. Les suivantes permettent de mieux comprendre son plaisir. Excellent et amical dîner, qui résume bien notre Japon familial unanime. Pour ne rien perdre, le gras lentement fondu pendant tout le repas finit finement découpés en fritons mélangés à des germes de soja rapidement revenus. « Le meilleur repas que j’ai fait de ma vie, avec les plats de Gilbert et aussi à Toulouse » Félix. « Il ne faut pas parler de ce dîner dans le journal de bord. D’abord c’est trop bien et puis c’est notre intimité » Garance.

J230 jeudi 25 avril 2013 Kobe 24°C bleu

IMG 8510 KOBE VIANDEProfitez de Kobe, la ville branchée sereine. Laissez le port dans votre dos et empruntez les rues parallèles au quai. Chez Howdy Doody, faites-vous conseiller par le créateur pour acheter des polos tissés sur de vieilles machines qui se souviennent du nid d’abeille d’entant. Qualité et fabrication japonaises. Passez ensuite sous la grande galerie couverte voir les magnifiques céramiques Raku et terres crues exposées par Hariachin, établi en 1881, dans ses belles vitrines d’époque. Les prix sont à la hauteur des œuvres exposées : entre 8.000 et 100.000€. Mangez ensuite une crêpe, fourrée à la crème et au mille feuilles, au petit stand souriant Chez Daniel, puis buvez un café, comme dans les institutions de province avant les percolateurs, chez Evian Coffee shop. Entamez la montée en prenant le temps d’entrer chez Dorato, situé dans la petite Ikuta road, pour le plaisir de voir une japonaise poser une goute de ses miels colorés du monde sur votre cuiller, puis celui de les goûter. Admirez la façade de métal frappé et écoutez du bon jazz chez Kimono Hearts, en jetant un coup d’œil discret aux élégantes qui essayent des tenues de cérémonie ou de mariage traditionnels. Continuez à grimper en zigzag, vers le Kitano Tenman Shrine, pour toucher enfin le nez de bronze luisant de la vache sacrée. Vous dominerez la ville et la place du Tertre local, qui fait toujours recette auprès des Japonais. Abordez la descente en passant au milieu des demeures de type tropical ou normand et notez, parmi-elles, le « musée des peintres (japonais) de Montmartre ». Faites une pose dans les innombrables cafés du quartier, avant de redescendre vers le port en choisissant un itinéraire libre. Remarquez, dans chaque quartier traversé, les boucheries qui exposent leur meilleurs morceaux de viande de Kobe (60 à 250€/kg, les prix montent avec le pourcentage de gras persillé). Nous vous recommandons une des institutions de la ville, Glück, à l’angle de la grande galerie couverte, où, faute de barbecue à votre hôtel, vous pourrez emporter d’intéressantes brochettes de viande locale. Finissez votre descente vers le port en laissant Daimaru sur votre droite, qui indique la rue des boutiques de luxe aux noms trop connus. Le soir, ressortez manger chez Ganku, salle animée au rez-de-chaussée, salons semi-privatifs où on se déchausse au premier, (pour changer, essayez le crabe miso, la tête de dorade au soja, les makis au thon gras et ail frais). Et vous aurez passé ainsi une journée magnifique.

En hausse : l’envie d’aller taper dans une balle ou un ballon

En baisse : les obèses

La phrase du jour : « On viendra passer du temps au Japon quand les enfants seront partis de la maison… » Choupie

 

J231 vendredi 26 avril 2013 Kobe 24°C bleu

IMG 8515 KOBEJournée de tripaille : réponse aux emails ; organisation de la semaine suivante de voyage ; soutifs et culottes ; quatre heures en ligne avec l’architecte de Bruxelles, musées de la céramique Raku identifiés pour un autre voyage, à Oyama pour son architecture, à Kyoto pour ses collections. Une seule sortie, à midi, qui finit par ressembler à une sortie à la Dom Quichotte, à l’assaut d’une petite cantine japonaise repérée la veille, collée à l’Evian Coffee Shop. Enseigne, menu idéogrammes sur les feuilles collées aux murs, hauteur des tables rabaissée, plats en libre service, clientèle, bière, tout est 100% japonais dans son jus. Excellent. Les prix non plus, n’ont pas bougé : festin de poissons cuits assortis à 5€ par personne. Deuxième sortie, nocturne cette fois, pour Félix et Chris, contre le rayon frais du 7/Eleven. En passant, le long du noir des quais de nuit, une salle d’équilibristes funambules. Ça a l’air bien. Sacrés Japonais.

En hausse : la lassitude des petits riens, signes insensibles qui annoncent la fin proche du Japon

En baisse : les kilomètres en voiture

La phrase du jour : « C’est un peu dur en ce moment » Félix

 

J232 samedi 27 avril 2013 Bizen 24°C bleu

Bravo Julia qui a fini sa dernière série de français entre hier soir et ce matin. Début de journée poussif dans Kobe où nous sommes restés une journée nécessaire de plus, mais peut-être de trop. 100 kilomètres de belle forêt ininterrompue entre Kobe et Bizen. Le japon, dès qu’il monte, est une seule forêt. Complexité Japonaise, vers l’arrivée, même en essayant de suivre le GPS, il est impossible de comprendre comment rejoindre une autoroute depuis l’autre. Une fois à destination, mystère de la technologie, on nous envoie 5 kilomètres en arrière pour aller faire demi-tour devant le club-house d’un golf. Encore une astuce de Google ou un fichier personnel vendu par Facebook…

Dans Bizen enfin, nous commençons par un premier tour nécessaire au musée. Savoir et hasard. Feu et terre. Subtilité japonaise de la maîtrise du parfait impondérable. C’est dans la une petite rue presque morte que cohabitent les potiers. Samedi, début de Semaine Dorée, la plus touristique de l’année, très calme à Bizen. Certaines boutiques font penser à Vallauris ou Saint Paul de Vence. Qualité variable des artisans, des artistes, des galeries. Objets dont les prix varient de : 500 à 4.800.000 yens (4 à 40.000€). On apprend et comprend les savoirs du Japon : une branche de verdure qui sort d’un trou imparfait ménagé dans un vase boule rugueux ; des tasses à thé poreuses ; un pot flapi comme s’affaissant mais tellement vivant et plein d’humour ; une très large table basse d’une seule planche d’un camphrier sacré millénaire qui a d’abord servi à la construction d’un temple ; un pin étagé porte bonheur courbé au-dessus d’un portail ; un rayon de soleil qui illumine une merveille de sérénité gris bleuté à soleil orange sortie du feu ; le sourire toujours bienveillant des anciens. Kobe trop près de chez nous, Hawaï qui, d’ici, sent trop l’écurie ! Bizen nous replonge dans l’ordre japonais. Guidés par les présentations, les prix, d’autres repères, le plaisir, nous commençons à trouver des voies d’accès à ces poteries profondes faussement naïves. Nous repartons avec deux tasses à thé sombres et comme présent, trois petites grenouilles pour les enfants.

Autre bain japonais au supermarché du bout de la rue des potiers. Choupie et Garance nous prévoient le meilleur du mieux : sashimis frais, viande d’à côté de Kobe, pâtes Italiennes, salade de tomates, huile d’olive, fruits. Trouver la Hattoji International Villa, sorte de gîte rural perdu dans la montagne belle, nous mène jusqu’à l’intérieur du circuit d’Okayama, puis dans une petite maison traditionnelle comme nous en rêvions.

En hausse : les démangeaisons de collection

En baisse : l’agressivité automobile occidentale

La phrase du jour : « J’ai beaucoup aimé cette visite, c’était très calme » Félix en sortant de Bizen

 

Parcours à Bizen

Collé à la gare, le musée de la poterie de Bizen est comme elle, un petit bâtiment de la reconstruction triste et pauvre. La porte recouverte d’une feuille de métal bronzé donne sur un guichet qui propose, dans ses vitrines en aluminium, des souvenirs en terre épaisse et sombre, comme les mauvaises céramiques d’artisanat local du monde entier. Dans la première salle du bas, nous sommes partagés, entre sourire et incrédulité, face à cette poterie qu’on peut facilement qualifier de « difficile », ou de «plaisanterie  », selon l’état d’esprit du moment. Poteries rustiques, voire frustres, présentation stricte frôlant l’indigence. Dans la longue vitrine au néon qui entoure la pièce : un pot, une tasse, un pot, une tasse… sortis du quotidien et d’une terre de gré pâteux. Morne, plat, tâché de couleurs de terre. Nous nous posons sur le banc recouvert d’un tissu rouge glissant, pour lire la demi-feuille distribuée avec le ticket. La poterie de Bizen est la plus ancienne du Japon. C’est un gré particulier, qui doit être longuement travaillé, avant de passer entre les mains du potier, puis cuire, pendant 10 à 15 jours, dans de grands fours, uniquement à bois de pin. Les couleurs et les glaçures, surgissent naturellement, de la terre elle-même, selon les vapeurs du feu, la proximité ou l’éloignement des flammes, la veine du gré, l’enfouissement sous la cendre. Nous comprenons mieux cet aspect non fini, rugueux, imparfait. Malgré les difficultés de production et le coût élevé, les fours de Bizen n’ont jamais cessé de cuire. Au second tour de la salle, la curiosité et l’intérêt ont repoussé les autres sentiments. Les finitions du musée, parfaitement conservé par le passage des patrons et des « Trésors Vivants », est terrible. Escalier béton recouvert de lino vert moiré, nez de marches en aluminium rainuré, main courante gainée de plastic noir ciré agrémentant la rampe de métal peint, éclairage naturel à travers des vitraux. Tout un monde des années 50, méticuleusement entretenu, que très peu de visiteurs ne viennent déranger. Au second, les œuvres sont assez lourdes et anciennes. Le troisième est l’étage des artistes contemporains et de trois Trésors Vivants du Japon (ces artistes ou artisans, dont la technique, la qualité et l’apport sont reconnus, et que le pays soutient financièrement, pour qu’ils puissent travailler sans contrainte autre que celle de l’art). Très intéressant. Accompagnant chaque œuvre, une photo noir & blanc du potier et des kanjis explicatifs. Certaines trop loin de nous, d’autres que nous trouvons extrêmement belles. Art des proportions, des lieux de vie, de l’hospitalité, un très beau salon carré est aménagé à cet étage. Notre première impression est loin déjà. Les poteries de Bizen sont encore un nouveau champ d’exploration infini qui pourrait faire le centre d’une vie au Japon. Nous ne faisons que passer. Ces Japonais sont très forts. Avec beaucoup d’art et de savoir, ils ont compris le gré de Bizen auquel ils se sont soumis en l’apprivoisant. Ils ont tiré du feu, une quintessence aléatoire de la terre. Leurs œuvres sont belles, uniques, vivantes. « Cette poterie rappelle depuis des siècles aux Japonais leur nostalgie de la terre » dit la petite feuille. Du grand art. Bravo. Et merci.

 

J233 dimanche 28 avril 2013 Hattoji International Villa de 25°C bleu

IMG 8530 ATTOJI INTERNATIONAL VILLAUn dimanche à la campagne. Lever dispersé, tôt pour Chris et le journal de bord, puis au gré des oiseaux et du soleil. Petit déjeuner dans un rayon de soleil qui réchauffe. Grande lessive avec une vraie machine à laver qui lave parfait à la japonaise et rassure Choupie en l’abreuvant de paroles digitalisées. Petite exploration à vélo ou entrainement pour Garance qui commence à maîtriser l’engin. Visite à l’étalage en libre paiement, de la paysanne en face, qui a mis une petite boite en fer pour que les acheteurs puissent repartir avec leur paquet de persil, champignons séchés ou asperges étranges. Bains et coups de soleil. Lecture classique entre Musset, St Ex et Mallarmé. A mi-journée, tout le monde va mieux. La nature fait du bien après bien des semaines citadines accumulées. Aucune raison de changer de rythme, malgré l’appel des bolides qui tournent sur le circuit d’Okayama. Discussion avec nos petits voisins venus en tricycle nous offrir des bonbons, que nous remercions avec du chocolat et une superbe photo du dimanche. La petite fille très douce et son petit frère qui escalade toujours le rocher au coin de la maison plutôt que d’en faire le tour. Salade du jour à l’huile d’olive sur les terrasses pontons de bois au soleil de Pâques. Promenade entre les arbres en fleur, les parterres bien tenus, le paysan sarclant son champ, une maison traditionnelle ouverte aux promeneurs intéressés. Passage de touristes venus admirer ce coin particulièrement serein et tranquille ou promener leur petite-amie sur leur grosse moto. Petit happening, avec l’irruption sur notre terrain, de quatre photographes harnachés qui nous demandent s’ils peuvent prendre la maison en photo. Nikon, Canon, Olympus et Yashika 6X4.5 (pour les amateurs), tous avec des films argentiques couleur à l’ancienne et des moteurs professionnels pour vider les chargeurs encore plus vite. Des mystiques. Chris sort son Leica… même au bout du monde, on garde sa petite fierté. La maison traditionnelle les intéresse, mais pas tant que la famille française qu’ils shootent à tout va non intrusif. Savoir-vivre japonais. De film en pellicule, nous finissons à 9, pour une photo amicale au retardateur sur pied devant la maison et échange d’adresses postales pour envoyer les tirages en Europe. Pour nous remercier, nos amis photographes reviennent depuis leur automobile avec 4 bières Asahi, puis un sac d’oranges. Perplexes sur la signification profonde du geste, nous remercions toutefois largement. Peut-être trop ? C’est subtil, les réglages, au Japon. Deniers rayons de soleil, dernières lectures, dernière rêverie. Dîner de spaghettis De Cecco familialement préparées, assorties aux choix d’aubergines sautées, fines asperges aromatiques de la paysanne revenues, vongole, calmars sautés, plus un bon steak pour Garance et Félix. Soirée cartes, à jouer et du monde, au coin du feu carré creusé dans le sol, au centre des tatamis de la pièce à vivre, les jambes des enfants sous le lourd plaide qui retient la chaleur du calorigène. Attention à ne pas mettre le feu à cette antique maison de paille et de bois. Félix et Choupie nous l’avaient bien dit, sans se concerter, en se levant ce matin : « on dirait Bandol ». Un dimanche, comme à Bandol. Presque.

En hausse : les hirondelles qui font le printemps et leur nid sous notre toit de chaume

En baisse : les petits signes de lassitude

La phrase du jour : « On est bien ici » Félix

 

J234 lundi 29 avril 2013 Hattoji International Villa & Nao Shima 24°C bleu voilé

IMG 8535 ATTOJIEn arrivant dans la nuit sur le plateau, nous nous demandions ce qui avait pu pousser le fonctionnaire, responsable du projet de « maisons traditionnelles, restaurées pour accueillir les étrangers à prix raisonnable au Japon », à choisir Hattoji. C’est parce que nous n’avons pas encore retrouvé le reflexe, jamais perdu par les japonais, de faire confiance a priori. Deux jours plus tard, personne n’a envie de quitter ce qui est devenu notre bout de plateau et notre maison. Il règne ici la sérénité des lieux dont on connait tous les bruits. Au milieu du bois, un rayon de soleil divin perce les immenses arbres protégés pour éclairer un minuscule temple de cèdre dessiqué et la petite statue d’un bonze radieux d’être ainsi réchauffé, habillé de gabardine rouge. Il adore le bruit subtil de la forêt de bambous s’entrechoquant dans la brise légère et la palette des verts tendres de la forêt au printemps. Son maître, un peu plus grand, garde le vrai temple, la tête dans une neige de pétales blancs, le socle posé sur un parterre de camélias rouges. Inutile de rester plus longtemps. Ces moments ne se retrouveront jamais.

Avec nos dernières gouttes d’essence et le GPS toujours aussi mystérieux, nous retrouvons tout juste Bizen pour quelque plaisir futur à l’heure bruxelloise du thé. Le monsieur qui a de très belles pièces, nous offre un thé fort. « C’est comme ça que j’aime le thé, on dirait que tu le manges » Félix. En nous servant, il répond, modestement assis sur son tatami : « Mon frère. Ça, mon père. Ça, mon grand-père », artisans de pièces magnifiques. Le GPS « bilingue », n’a de bilingue que le menu. Dès la page suivante, il ne comprend plus que les numéros de téléphone (en chiffres arabes tout de même) et, plus radical, les kanjis. Nos 4 téléphones (Nokia, Samsung, Blackberry), eux, ne fonctionnent pas au Japon. Ceci nous impose finalement un arrêt en parking souterrain, à la gare d’Okayama, ville ne possédant aucun attrait, c’est dans le Lonely planet très bien fait sur le Japon. Nous confirmons.

IMG 8561 NAO SHIMALe hasard nous aide ensuite et nous roulons dans le ferry, vers la petite île de Nao Shima, au moment même où les portes se relèvent. Entre les petites îles imbriquées, d’énormes ferry boats naviguent sur de minuscules distances. Un concept de pays saturé en plaine, qui aime la mer. Notre ami GPS ne connaissant pas les chemins de l’île, c’est un passant qui nous aide à trouver notre pension. Il arrête un copain véhiculé, monte et les deux amis nous conduisent jusqu’à notre porte, trouvent le patron et font la circulation avec le sourire pour le parking. Arigato goza y masta. En attendant de manger et dormir à cinq sur les tapis du monsieur, les parents sortent. Nao Shima est une petite île parsemée d’œuvres d’art. Une île avec ses anses, ses bateaux de pêche, ses méduses, ses quais déserts, ses bars déjà fermés, son charme calme et doux d’île de la mer intérieure tempérée. Une œuvre d’art avec des escaliers en blocs de verre massif, des jardins traditionnels modèles, des bâtiments aveugles qui cachent des surprises, une petite merveille de béton de Tadao Ando recouverte du traditionnel et local bois noirci au feu. Loin d’Hattoji, toujours au Japon.

En hausse : la campagne, la mer, la tradition, la culture, les sushis… tout

En baisse : le bleu du ciel

La phrase du jour : « Je vais peut-être venir m’installer au Japon quand je serai plus grande… » Garance

 

J235 mardi 30 avril 2013 Nao Shima 22°C pluie puis voilé

IMG 8595 NAO SHIMA LEE UFANIl n’y a que le Tour du Monde. Sous la pluie, nous mangeons les œufs de notre pension, avant d’aplanir quelque difficulté d’école. Les derniers nuages sont dissipés. Projet fou financée par un gentil homme d’affaires, l’île endormie s’est laissée volontairement coloniser par les bâtiments radicalement raffinés de Tadao Ando, qui a pensé des écrins pour œuvres d’art conceptuel élitistes. Trois raisons de clouer Nao Shima au pilori de la pensée unique. Une réussite grandiose, discrète comme le Japon, pour le promeneur jubilatoire de tout âge. Le Chichu Museum, forteresse lisse enterrée qui ne voit le ciel qu’à travers des angles et des fentes, abrite des œuvres légères comme la lumière ou lourdes comme la pierre. Le béton luxe de Tadao, se met au service d’une percée vers le ciel et d’une expérience visuelle et sensitive bleue, de James Turrell, s’adoucit de dès de marbre de carrare et de blanc pour des Nymphéas de Monnet, s’entrouvre pour des pierres presque sacrées en cour extérieure, s’étage en largeur pour le temple laïc de Walter di Maria. Une expérience totale orchestrée par maître Tadao. Sourire pour tous.

IMG 8621 NAO SHIMAOn entre ensuite au Lee Ufan Museum en se glissant entre deux hautes feuilles de ce béton rare que seul Tadao sait produire si doux. Coréen adopté par le Japon puis le monde, Ufan ne peint pas. Il médite sa maîtrise de philosophie, et parfois donne un coup de pinceau énorme. Julia adore le grand cercle de tampons bleu décroissant par cycle. Félix aime bien le même principe de tampons évanescents en quadrillage qu’il qualifie justement « d’informatique ». Garance et Choupie sont mortes de rire devant la plus grosse crotte du monde. Une pellicule de néant sépare le salaud sartrien du génie… Une immense toile fait l’unanimité, un coup de raclette central unique qui sent le parfait de l’imparfait humain. Grosse ambiance bruyante, à la sortie, entre les feuilles de Tadao. Le Benesse Museum a été la première pierre de cette vaste entreprise collective. Plus ancien, moins bien servi par l’exposition temporaire, il cache quelque merveille architecturale réservée, horreur, aux clients de l’hôtel, et une série de photos noir & blanc de la mer de Sugimoto, avec, comme arrière plan, la mer intérieure grise. Tout est noir, blanc, gris. Superbe.

Tellement bien, qu’après un déjeuner dans une maison traditionnelle aux volumes et aux matériaux naturels, les enfants continuent volontiers la visite. Autour de notre pension, avec le Art Village Concept, cette fois : des œuvres d’art disséminées dans les maisons de notre village traditionnel. Pour son propre musée, Tadao Ando s’est amusé à faire rentrer la plus grande quantité possible de son beau béton penché, dans la coquille de bois noir d’une toute petite maison traditionnelle. Il a même dû, creuser un trou faussement en pente, pour finir de se sentir à l’aise. Magnifique et serein. La restauration de l’ancien conservé par Tadao, fait penser à ces dessins si faciles et pénétrants de Picasso d’après les anciens, qui l’ont obligé à chercher plus loin. Provision d’idées pour une maison, à Bruxelles ou autour du monde. Toujours Tadao, avec une haute grange aveugle bardée de bois brûlé marron-noir, qui nous plonge dans le noir total imaginé par Turrell. « Après 5 à 10 minutes à l’intérieur, les yeux s’habituent au noir et les œuvres apparaissent » prétend la brochure. Pas la moindre œuvre, mais au bout d’un certain temps, un écran apparaît, puis revient le monsieur, dont la tête s’évapore par moments dans le très sombre. Enfin nous nous promenons sans effort, vers le trou du faux écran, au milieu des autres personnages, sans que l’intensité de la lumière n’ait jamais varié. « Did you like it ? nous demande une japonaise. Yes very much, and you ? I don’t know… it’s my first time ».

Les hommes partent manger dehors entre eux. Les femmes gardent le foyer. Le Japon déteint sur nous plus encore que nous ne le pensons. Tant mieux.

En hausse : les citoyens du monde en marche chers à Durkheim

En baisse : rien

La phrase du jour : « l’art moderne c’est comme les humains, c’est simple, mais ça fait réfléchir et c’est compliqué aussi» Garance

 

J236 mercredi 1er mail 2013 Hiroshima 22°C gris

Nous quittons, notre île en ferry, avec, une nouvelle fois, le sentiment que nous aurions pu rester plus longtemps. Sur la route vers Hiroshima, nous acceptons Tonomo Ura, « Un charmant petit village de pêcheurs » dit le guide. Mignon et agrémenté par la visite surprise d’une ancienne fabrique de saké relevé d’herbes macérées, la spécialité du coin, abritée par un bâtiment vieux de 250 ans, et une guide qui tient à nous lire toutes les lignes de son papier dans un anglais totalement incompréhensible mais dynamique. Il n’y avait pas de place dans les hôtels, nous ne regrettons pas.

IMG 8649 HIROSHIMA 6 AOUT 1945 8H15 DU MATINEt puis, nous sommes à Hiroshima. La ville où « rien ne repoussera pendant des siècles, où les radiations seront mortelles pendant des dizaines d’années », comme on nous l’a appris à l’école. Hiroshima ! Incroyable. Nous n’avions pas prévu ça dans notre idée d’un Tour du Monde. Ici, il ne règne pas du tout l’ambiance paisible et maîtrisée du nord du Japon. Trop contents d’être vivants, ils sont tous fous, au volant de leurs automobiles, camions, vélos, motos… Ils n’ont rien à perdre. Dans le musée, les enfants qui bombardent de questions depuis hier à propos de la bombe sont muets. Photos géantes d’époque, film du champignon depuis le B29 qui a larguée la bombe, histoire du nom « little boy », destructions et blessures, restes de vêtements carbonisés, montre arrêtée à 8H15 le 6 août 1945, tuiles et bétons incrustés de verre ou de débris fondus à 3000° ou lancés à 1500 km/h : la démonstration de l’horreur est absolue. Les visages des Japonais sont plus expressifs qu’habituellement. Les nôtres certainement plus crispés. La deuxième partie de la visite est consacrée à la reconstruction. Elle a démarré le 7 août 1945... Dès le lendemain de la destruction, l’électricité était rétablie. Dans les jours qui suivirent, une ligne de tram a été remise en service. Le bâtiment de la croix rouge est rapidement devenu un des centres névralgiques d’Hiroshima. Les actes simples, devenus héroïques, se sont multipliés, alors que des gens bien portants disparaissaient en quelques jours, victimes retardées des radiations, faisant planer un doute terrible sur tous les rescapés. Incroyable réaction d’une population totalement détruite sur un rayon de 2 kilomètres qui a emporté 170.000 morts. 10% étaient des Coréens déportés ici par les Japonais. La diminution, puis la disparition des armes nucléaires, est le but poursuivi par le musée d’Hiroshima.

IMG 8664 HIROSHIMA MONUMENT DES ENFANTSA la sortie, nous sommes tous vidés. Dans le parc du Mémorial, c’est le printemps d’un soleil qui brille : un salaryman passe devant l’Arche, une dame promène ses chiens, des écoliers se regroupent par rangs de cinq. La flamme d’Hiroshima s’éteindra le jour où la dernière arme nucléaire aura disparu de la surface de la terre. Ils l’appellent cette flamme, La Flamme Eternelle. Une petite fille de 11 ans, atteinte d’une leucémie après la bombe, pensait guérir si elle atteignait 1000 cigognes, symbole de longévité et de santé. Ce sont ses camarades de classe qui ont fini les 1000 cigognes en papier. Le monument des enfants est touchant, rempli de nouvelles cigognes qui débordent. Sur l’autre rive, le Dôme, décharné, mais debout depuis 1910, est devenu le symbole de la ville. Comme elle, il est entouré de fleurs. Nous nous offrons de magnifiques jus d’oranges étincelantes dans le soleil d’Hiroshima. Hiroshima…

En hausse : l’espoir

En baisse : l’envie de changer de pays

La phrase du jour : « Ce que j’aime ici, c’est qu’ils ont des verts, presque fluo, qu’on n’a pas chez nous » Félix

 

J237 jeudi 02 mail 2013 Hiroshima 24°C bleu

IMG 8685 HIROSHIMAMémorial d’Hiroshima pour la Paix. Entre le café internet matinal, le changement de l’hôtel démoral vers le parfait Suntour avec vue (et au même prix), les tentatives d’achat de Yukatas (kimonos d’intérieur), le médiocre déjeuner… deux heures seulement passées dans le bâtiment du Mémorial. Mais des heures qui comptent dans une vie. Tango Ange a construit un cylindre dans lequel on s’enfonce pour aboutir dans une pièce ronde, plongée dans la pénombre, avec, au centre, une fontaine simple tronquée. C’est ici que sont réunis les noms de tous ceux qui ont été exposés à la bombe, la liste des morts connus, bien moins nombreux que les inconnus disparus avec leurs familles, leurs amis, les registres, les maisons, les rues… Totalement disparus. Nous passons un moment dans la médiathèque où sont stockés les témoignages vidéo de ceux qui sont restés vivants, les photos d’époque, des films en noir & blanc. A la sortie vers midi, nous sommes épuisés. Les enfants n’ont plus de questions, mais leurs idées à eux.

En hausse : les Japonais encore

En baisse : la cuisine japonaise

La phrase du jour : « C’est quand même ahurissant d’avoir la vue sur le Dôme (épicentre de la bombe) » Choupie

 

J238 vendredi 03 mail 2013 Hiroshima-Montréal 24°C bleu 24°C noir

IMG 8724 INESPERE TOKYO MONTREALAu revoir cher Japon. Pays de la délicate attention, de la subtile fragilité, du détail éphémère destiné à ne pas être remarqué avant de disparaître, de la politesse enviable. Merci. Nous reviendrons, c’est sûr.